Peut-on appeler « Vanier » ou « Eastview » un petit coin de pays ? Ce secteur de la ville d’Ottawa en était pourtant un avec ses familles et connaissances tricotées serrées à l’époque. C’est là que naît Estelle, 8e dans une famille solidement construite avec 13 enfants, 8 filles et 5 garçons. Son père Noé, et sa mère Léa Hurtubise avaient définitivement les mains pleines. Estelle a connu les Filles de la Sagesse à l’école Montfort et au Pensionnat comme externe. La famille fréquentait la paroisse Notre-Dame-de-Lourdes, son père étant très engagé dans les activités de l’église. Belle façon discrète du Seigneur d’inviter la famille à faire de même.
De plus, l’adoration du Saint-Sacrement attirait cette jeune fille pieuse. Deux filles de la famille firent le pas vers le postulat des Filles de la Sagesse, Simone et Estelle. Pas d’hésitation sur la profession d’Estelle, elle sera infirmière. Aussi est-elle envoyée dès sa profession en août 1946 à l’hôpital Sainte-Justine, Montréal, pour des études en Sciences infirmières et un an en obstétrique. Métier qui servira bien dans la vie de cette bâtisseuse en herbe. Dès ses études terminées, voilà dit-elle que « la Sagesse m’a donné la terre pour bâtir avec elle un monde en santé ».
Luc 7, 22 « Allez reporter ce que vous avez vu… les aveugles voient…
Après sa profession perpétuelle en 1951, c’est l’Afrique qui l’attend, d’abord le Malawi, à Nguludi, surintendante de l’hôpital avec dispensaire, maternité, enseignement à l’école de sages-femmes. Avec plus de 5000 accouchements en surcroit, voilà de quoi l’occuper ! Inutile de compter puisqu’elle réalise déjà son rêve de donner ! Dix ans plus tard, suivant la Sagesse qui la conduit, elle se rend en Papouasie pour organiser les soins de santé pour le diocèse de Daru-Kiunga. Elle a commencé la clinique à Kiunga où elle devient responsable au niveau de ce diocèse en lien avec les soins de santé du gouvernement. Elle y a travaillé avec les autres dénominations chrétiennes, ce qui a permis au centre de prendre son essor.
… les boiteux marchent…
De plus, Sr Estelle s’occupait des cliniques de brousse, et pour prendre la relève formait les « medicals » et les envoyait suivre des cours aux centres du gouvernement. Elle a soigné et guérit des cas graves, ayant grand besoin d’un médecin. Elle a détecté l’épidémie de polio la première grâce à son expérience de cette maladie à l’hôpital Sainte-Justine. Les gens avaient confiance en elle et recouraient à elle en tout temps, jour et nuit même, pour une situation de vie ou de mort. Tout était digne de cette femme de calibre, à ample vision, au bon jugement, et courageuse dans la prise de décision. Ainsi elle déploie son énergie, sans cesse attentive aux multiples besoins appropriés au milieu. Car sa vocation, n’était-elle pas de donner jusqu’au bout… en soulageant ?
… les sourds entendent
De retour au Canada elle fait un an de recyclage à l’hôpital de Val-d’Or pour ensuite retourner comme infirmière à l’hôpital de Daru et Kiunga pour deux ans. Durant sa vie, en tant que disciple de Montfort et de Marie-Louise, elle communie à leur esprit par son dévouement auprès des malades, et son souci à former des remplaçantes.
… les morts ressuscitent…
Finalement, après 40 ans en pays de mission, Sr Estelle, toujours missionnaire de cœur, revient à son pays d’origine et prend le service de l’infirmerie des pères Oblats à Ottawa. Son esprit d’organisation l’amène à transformer graduellement ce milieu de soin en un endroit opérationnel, sympathique et efficace. Là encore, elle laisse sa marque jusqu’en 1984 tout en intégrant des communautés d’Ottawa, surtout celle de la rue Daly. Comment a-t-elle ensuite abouti au tribunal ecclésiastique du diocèse ? Nul ne le sait. C’est dans cette instance qu’elle rencontre les couples demandant une nullité de mariage, les écoutant avec compréhension et compassion pour en arriver à poser un jugement. Bientôt, quelques implications internationales l’amènent à servir comme infirmière attitrée au service de certains groupes de la famille montfortaine pour « Les pas de Montfort » en France. Plus tard, en 1994, elle retourne en Papouasie pour ouvrir un bureau de tribunal matrimonial. La missionnaire en elle ne tarit pas !
… la Bonne nouvelle est annoncée aux pauvres…
À nouveau de retour au Canada en 1997, elle intègre Maison Accueil Sagesse où elle rend des services précieux, accompagnement des malades, rendez-vous médicaux, et autres. À la suite, en 1999 elle devient, elle aussi, une reposante au Pavillon Notre-Dame, sa santé lui occasionnant des ennuis sérieux. Le Seigneur qu’elle a annoncé sans cesse par son service de vie donné par amour vient la chercher en toute sollicitude. Un jour enfin, son Seigneur l’emporte pour le partage du banquet des invités aux noces éternelles où toutes maladies sont guéries.
Sr Lise LeRiche, fdls