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Le silence est synonyme de paix, de repos. L’ange du silence se propose de nous apaiser en faisant taire nos pensées, nos souhaits, nos besoins trop bruyants, afin que nous découvrions en nous un espace silencieux. Les mystiques sont convaincus qu’il existe en chacun de nous un tel espace, auquel n’ont accès ni les pensées, ni les affects. C’est aussi un espace où l’être humain ne peut pénétrer avec ses attentes, ses revendications; ses jugements, ses condamnations; c’est l’espace en moi où je suis entièrement moi-même. Et c’est enfin l’espace de silence où Dieu réside en moi. Là, je suis vraiment libre; là, nul n’a de pouvoir sur moi, nul ne peut me blesser. Là, j’existe en toute intégrité, en toute santé. Pour moi, c’est un besoin quotidien que de m’asseoir à l’écart et de méditer. En méditant, je sens que mon souffle et la parole que je mêle à mon souffle me conduisent en cet espace intérieur où règne le silence. Ceux qui viennent me voir aujourd’hui à mon bureau n’y ont pas accès; personne ne peut m’y poursuivre avec ses souhaits, ses jugements, ses condamnations. Là, je peux respirer librement; j’y suis seul avec mon Dieu. C’est ce qui donne à mon existence sa dignité. C’est dans cet espace intérieur que j’entre en contact avec mon être authentique, avec mon Soi. Le silence me transforme, comme il transforma la querelleuse épouse du rabbi Sussia, dont il est dit : «À partir de cet instant, elle se tut. Et lorsqu’elle fut devenue silencieuse, elle devint joyeuse, elle devint bonne.»
C’est justement quand nous sommes très occupés avec les autres, quand beaucoup de gens attendent quelque chose de nous, quand nous devons nous engager dans des discussions serrées, que nous avons besoin de l’ange du silence pour faire taire en nous ces innombrables paroles que nous entendons tout le jour. Dans le silence, nous pouvons reprendre notre souffle, déposer le fardeau des confidences d’autrui. L’ange du silence voudrait nous introduire dans cet espace dans l’âme auquel les autres n’ont pas accès, même ceux pour lesquels nous sommes là. Pour pouvoir nous engager sans angoisse dans le dialogue avec les autres, il nous faut communiquer avec cet espace intérieur voué au silence. Nous n’avons pas alors à craindre d’être déterminés ou surchargés par les problèmes d’autrui, ni d’être intérieurement souillés nous-mêmes par la boue avec laquelle souvent le dialogue nous met en contact.
Il est donc une sphère où nous restons protégés de tout ce dont les autres voudraient se décharger en le déversant sur nous. Dans cette sphère, notre intégrité et notre santé sont sauvegardées. Puisse l’ange du silence t’accompagner, ami lecteur, et te rappeler sans cesse que cette sphère, elle est déjà là en toi. Tu n’es pas obligé de la créer; il suffit que tu entres en contact, au fond de toi, avec le silence salvateur. Là, tu pourras connaître le repos, la santé, la plénitude; là réside, en toi, une pureté immaculée que nul vacarme au monde ne pourra jamais troubler.