PLACE AU VIRUS
Claire Dumont
« ÉCOUTE LA SAGESSE ». Lorsque nous avons écrit ce livre, Père Hein Blommestijn et moi avons parlé de tribulations, d’épreuves, de catastrophes naturelles, bref de la Croix selon Montfort -- cette Croix à laquelle fait référence le chapitre 10 du Livre de la Sagesse. J’étais très loin de penser que, deux ans plus tard, nous serions en pleine pandémie mondiale. Ce qui m’a fait creuser à nouveau certains récits dramatiques racontés dans la Bible : les conséquences du choix d’Adam et Ève, le déluge, le détachement d’Abraham de son fils, la mer Rouge, Joseph dans la citerne, avec, en filigrane, l’action de la Sagesse qui n’agit qu’en notre faveur.
RECEVOIR L’AVENIR
Et si on s’assoyait devant la Sagesse pour l’écouter nous dire :
« Ne vous inquiétez pas du lendemain : demain s’inquiètera de lui-même » (Mt 6, 34),
qu’en recevrions-nous alors comme qualité d’air, comme libération, comme sérénité ?
La première conversion, qui s’impose à moi, vise à assurer la qualité de l’air et la ventilation à tous les niveaux de l’être et de la vie. J’entends en ces mots, le devoir de faire des pauses importantes dans nos vies. Nous sommes si pressés. Ralentir, donc, notre élan de vouloir tout faire, dans notre courte histoire, comme si nous avions peur que celles et ceux qui nous remplaceront ne sachent pas le faire aussi bien que nous, que moi ! Où allons-nous comme ça ? Pourquoi courons-nous autant ? Pour régler tous les problèmes du monde ? Est-ce possible ? Et si je choisissais d’aller vers l’essentiel, le réalisable ? Alors, il nous faut demander la grâce d’une besogne soignée et non exténuante. Entre nous, le visage fatigué est tellement moins rayonnant !
La proposition d’une deuxième conversion monte à mon cœur : celle d’assurer la qualité de l’air et une saine ventilation de la terre, de notre planète. Nous pouvons bien penser, à première vue, que cela n’a pas de rapport avec nous, avec moi, aux prises avec la pandémie. Et si cela nous regardait précisément ? Si mille personnes, à travers le monde, prennent au sérieux l’air de la planète et en motivent dix mille autres ? Si mille personnes en font leur priorité et choisissent de faire le ménage dans leurs courses, leurs achats, leurs déchets, leurs voyages, ainsi que dans l’usage qu’elles font de l’eau, du papier et de l’automobile ? Et, si nous, comme Filles de la Sagesse, nous décidions de donner à un Chapitre Général (instance de décision) une priorité semblable ? Priorité qui pourrait être aussi celle d’un bureau et même d’une famille ... Alors la pandémie aurait servi à quelque chose.
Une troisième conversion s’avère nécessaire pour assurer une meilleure qualité de l’air et de ventilation : celle de simplifier la vie de nos groupes communautaires, des communautés sociales ou ecclésiales et peut-être aussi des familles. Comme il serait bon de secouer nos structures qui, d’ailleurs, se lézardent de plus en plus. Il serait sans doute avantageux de revoir nos manières de faire comme par exemple, regrouper des personnes âgées dans un même établissement au lieu de les laisser vivre et vieillir là où elles sont, en leur assurant les ressources nécessaires. Cela est vrai autant pour les religieux que pour les non-religieux. Il serait aussi très profitable et fort pertinent de tenir compte de l’âge des personnes en abolissant des niveaux de responsabilité; en réduisant le nombre de responsables « de ci, de ça »; en modifiant la structure des chapitres dans les communautés religieuses pour les transformer en table de concertations ou autres; en revoyant comment aider les personnes à ventiler, à respirer un air de qualité en coupant dans les rencontres de groupes et autres.
Une quatrième conversion s’impose à ma réflexion : le constat d’une mondialisation qui nous place dans un état de grande fragilité et de dépendance extrême. Soudain la COVID-19 nous fait voir que « le monde devenu un village » n’a pas seulement de bons côtés. Il comporte des conséquences fort nuisibles aux pays et à leur peuple. Il ne s’agit pas de revenir en arrière. Cependant, il nous faut repenser nos gestes et nos activités afin de privilégier, ce que l’on appelle, le « local ». Peut-être sommes-nous aller trop loin en voulant abolir les frontières ? Avons-nous ignoré les conséquences à long terme ? De toute façon, depuis le Commencement, seul l’Amour n’a pas de frontière et n’en aura jamais ! C’est la liberté de l’Amour. Et si on pensait que le monde se transforme à partir de nous, de moi, que pourrions-nous construire, ensemble, aujourd’hui pour demain ?