Communauté Kent :
une mission d’accueil et de service aux autres
L’accueil inconditionnel, la disponibilité et le don de soi s’avèrent au cœur de la mission des sœurs de la communauté Kent, à Montréal. Une mission des Filles de la Sagesse qui donne tout son sens à la parole prophétique de Marie-Louise « prenez bien soin des pauvres », si l’on se fie aux propos de chacune de ses membres : Doris Rodier, Annie Langlois, Marie-Rose Turcotte, Jeannelle Daigle et Hélène Laverdure.
Rencontrées avant l’annonce officielle de la fin de cet engagement, les sœurs ont bien voulu partager l’histoire de cette mission, leurs défis et leurs souhaits. C’est un tour d’horizon pour mieux comprendre cette œuvre au service des plus démunis depuis 2002 dans le quartier Notre-Dame-des-Neiges, reconnu pour son taux élevé d’immigrants.
Avant cette année-là, la maison de la rue Kent a eu pour mission principale, dès son ouverture en 1971, d’accueillir les sœurs missionnaires de retour au pays, pour une pause ou en attente d’un nouvel engagement. Plusieurs sœurs, dont Berthe Venne, Gertrude Desjardins et Jeannine Leclerc ont assuré les services d’accueil aux missionnaires qui y trouvait un lieu de ressourcement et de répit.
Au fil de ces années, les sœurs résidentes de la maison connue sous le nom « Missi Sagesse » s’impliquent dans la communauté paroissiale, notamment pour la catéchèse et au sein de la Société de Saint-Vincent de Paul. Au début des années 2000, la vocation de la maison est appelée à changer alors que l’envoi des Filles de la Sagesse en mission se raréfie. À l’époque, rien n’est vraiment défini. La mission se matérialise en fonction des engagements des sœurs résidentes.
Nouvelle vocation
Dès son arrivée à la fin de l’année 2002, Sr Doris Rodier, infirmière de profession ayant œuvré pendant 31 ans en Papouasie, s’engage dans l’accompagnement des malades à la maison ou dans les hôpitaux. De fil en aiguille, elle s’implique auprès des personnes âgées et offre des soins de pieds. Elle est rapidement invitée à se joindre à un organisme d’entraide dans le quartier.
Avant même qu’on la désigne, l’œuvre a pris forme dans l’action au quotidien. « Cela s’est fait naturellement », souligne Sr Doris, dont les racines familiales l’ont amenée à vouloir répondre aux besoins des pauvres. Femme de terrain, Sr Doris prend rapidement le pouls du quartier, cerne les besoins du milieu et bâtit son réseau de contacts.
Elle recueille des dons pour les partager auprès des familles en situation de pauvreté, principalement des personnes immigrantes qui n’ont rien à leur arrivée. « C’est une façon de donner un peu d’espoir et de soutien à ces gens et leur faire prendre conscience qu’ils ne sont pas seuls », précise Sr Annie.
Un succès qui impose bien des défis
Le « bouche à oreilles » fait son œuvre. La population du secteur apporte les choses qui peuvent encore servir à d’autres et les familles immigrantes sont rapidement dirigées vers les sœurs de la communauté Kent pour récupérer des aliments, des articles ménagers, des vêtements et autres biens essentiels. Depuis plusieurs années, la communauté Kent est victime de son succès.
Le garage qui sert d’entrepôt est constamment plein. Le plus grand défi consiste à trier et classer les articles reçus pour ne conserver que les objets pertinents pour les familles du secteur. Tout le reste est dirigé vers des organismes ou des groupes ayant des liens avec des pays comme le Congo et Haïti.
Mine de rien, il s’agit d’un travail de logistique colossal qui bénéficie heureusement de l’expertise de Sr Annie, développée au cours de son travail missionnaire pendant 35 ans en Papouasie. Ce savoir-faire jumelé aux connaissances des besoins de Sr Doris permet un tri efficace au bénéfice des personnes. Et Sr Marie-Rose complète le trio en effectuant le transport des objets non retenus aux ressources externes et en raccompagnant les gens qui n’ont pas de moyen de transport pour rapporter les biens récupérés.
Accueil inconditionnel et don de soi
Au fil des ans, toutes les sœurs résidentes de la communauté Kent se sont investies pleinement dans cette mission. « C’est une mission d’accueil inconditionnel et d’ouverture à toute heure du jour, même pendant les repas et en soirée. » Cela demande un « esprit d’ouverture, de tolérance et une grande disponibilité », exprime Sr Annie en accord avec toutes ses compagnes. Arrivée la dernière, Sr Hélène Laverdure est heureuse de pouvoir aider ses consœurs dans leur travail auprès de toutes ces familles.
Cet esprit d’accueil et de soutien s’étend à chacune, comme le souligne Sr Jeannelle. « Mes compagnes connaissent l’importance de mon engagement dans la formation des novices. Elles s’informent et prient pour ces jeunes filles. »
L’œuvre de la communauté Kent constitue un rouage important dans toute la chaine d’entraide existant dans le quartier. Dans leur discernement, elles sont conscientes qu’elles ne peuvent plus assurer le même dévouement encore longtemps. La majorité d’entre elles ont plus de 80 ans.
De l’espoir malgré tout!
« Ce qui me fait de la peine, c’est qui va prendre la relève? », admet Sr Doris qui réalise le grand vide que cela va provoquer dans sa vie, le moment venu. Ses autres consœurs demeurent optimistes malgré le fait qu’elles vont ressentir « l’absence de contacts avec les personnes » à la fin de cette œuvre. « Nous allons peut-être avoir l’impression de perdre une partie de nous, mais en même temps, notre mission devra s’orienter autrement », mentionne Sr Hélène.
Sr Annie rappelle une parole du Seigneur qui l’a toujours soutenue durant toutes ces années missionnaires : « Je ne suis pas venu pour être servi, mais pour servir » à laquelle, elle ajoute cette pensée « être au service pour que d’autres puissent vivre. » Ce travail de soutien n’est pas toujours visible, mais il porte ses fruits. Combien de fois, les personnes accueillies dans leur maison n’ont-elles pas ressenti la paix? « On se sent bien ici, on sent la bonne entente… » a d’ailleurs clairement exprimé un de leurs visiteurs.
L’exemple donné par les sœurs fera des petits selon Sr Hélène qui affirme « cette œuvre va demeurer d’une autre façon. La mission ne se fera pas comme nous l’avons fait, mais quelqu’un dans le groupe aura l’idée de poursuivre. Nous devons accepter que cela continue autrement… »